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Photo du rédacteurÉlisabeth Roudinesco

Que veut dire voter « contre » Marine Le Pen ?

Pourquoi entend-on tant d’électeurs et de responsables de la France insoumise déclarer haut et fort que pas une seule voix ne doit aller à Marine Le Pen sans autre précision, alors même que Jean-Luc Mélenchon a bien souligné qu’il n’y avait aucune symétrie possible entre la candidate du Rassemblement nationale et Emmanuel Macron?

Ne pas voter Marine Le Pen reviendrait donc à voter Macron ? Certes, les électeurs insoumis sont désespérés de n’avoir pas réussi à porter leur candidat au deuxième tour. Mais dans l’époque troublée qui est la nôtre, où se défont les anciennes souverainetés - famille, nation, différence des sexes, etc. -, si l’on veut être cohérent avec soi-même, il faut accepter de voter pour ce que l’on n’approuve pas, au-delà des affects, des identités et des déceptions, non pas par adhésion au programme ou à la personne de tel candidat - Emmanuel Macron en l’occurrence - mais parce que, quoi qu’il fasse et dise, il reste de facto le garant de l’Etat de droit, au même titre d’ailleurs qu’auraient pu l’être les autres candidats présents au premier tour, à l’exception de l’extrême-droite : Eric Zemmour, Marine Le Pen et leurs alliés.

Autrement dit, il est aussi absurde de déclarer, comme l’ont fait certains égarés, que Mélenchon serait pire que Le Pen que de refuser de nommer Macron et de déposer un bulletin à son nom dans l’urne. Être garant de l’Etat de droit, cela veut dire que l’on accepte le principe selon lequel l’action de l’Etat, notamment, est soumise au droit et aux juridictions qui l’encadrent. Dans un Etat de droit, les lois doivent notamment se conformer au principe de constitutionnalité dont une instance dédiée assure le respect, fonction que remplit le Conseil constitutionnel en France.

Or, Marine Le Pen prétend introduire dans la Constitution un principe contraire à ceux qui régissent la Constitution elle-même en y inscrivant, par exemple, la « priorité nationale ». Ce qui va de pair avec son intention de restreindre immédiatement les libertés publiques (presse et culture) et d’imposer un enseignement (manuels scolaires, recherches, etc.) soumis au pouvoir politique. Projet potentiellement fasciste. Et pour faire pièce à un tel projet, il faut accepter de voter en faveur de ce qu’on n’aime pas.


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4 comentários


Françoise Wilder
Françoise Wilder
17 de abr. de 2022

Hier, à la manif soi-disant contre l'extrême droite à Montpellier, je développai les arguments d'Elisabeth à ceux qui voulaient ESSAYER Le Pen. Ils se croyaient sur le web en train de commander des chaussures. Je suis partie au bout de 45 minutes ne voulant pas "faire nombre" avec ça. Très inquiète.

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henri.sztulman
16 de abr. de 2022

Merci pour cette mise au point, précise et concise, dans laquelle je retrouve un argumentaire essentiel avec lequel je m'efforce d'éclairer les indécis, voire de confondre les êtres de mauvaise foi.

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Philippe Grauer
Philippe Grauer
15 de abr. de 2022

J'adhère à ce raisonnement politique, et reste déterminé à ne jamais confondre passionnellement, aveuglément, la droite et le fascisme, même ripoliné bisounours. Pour ne pas se réveiller dans une France illibérale, voter clairement et distinctement Macron. Le parapluie n'est pas de la bonne couleur, mais la pluie menace. Cassons la fausse symétrie peste/choléra, qui profite à la peste. Préservons notre État de droit.

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Jean-Yves Carfantan
Jean-Yves Carfantan
15 de abr. de 2022

Merci pour ce précieux message. Je souhaite qu'il soit reçu par le plus grand nombre. Cordialement.

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